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Il a toujours été essentiel que les marques soient en avance sur les grands mouvements de notre société actuelle, tels que le féminisme, la question de “Black Lives Matter”, les droits des homosexuels, les droits de l'homme, ou les droits des animaux. Être reconnu comme précurseur, va non seulement ajouter de la valeur à la marque, qui va se positionner comme partie prenante d’un mouvement, mais va aussi être déterminant pour fidéliser sa clientèle et lui proposer des produits en accord avec les nouvelles tendances. Dans les faits, une fois qu'une nouvelle vague est lancée, les marques doivent se montrer réactives et anticiper l’évolution de la tendance. Quel que soit le secteur, être perçu comme un leader est un avantage concurrentiel crucial. Dans le cadre de cet article, nous explorerons l'évolution du féminisme en Amérique du Nord afin de comprendre l’impact que les grandes tendances sociologiques peuvent avoir sur les marques et les contenus.

Au cours de l’histoire, nous avons pu identifier quatre grandes vagues féministes. La première vague, qui marque l'avènement des suffragettes, la deuxième vague apparue il y a plus de 50 ans, connue comme étant la vague du “bra-burning”, la troisième vague, définie comme la vague inclusive, toujours pour la défense des droits des femmes, mais qui intègre des minorités auparavant délaissées par ce combat, et la quatrième vague qui en découle, appelée post-féminisme. Il est indispensable que les spécialistes de la communication aient une solide connaissance, non seulement de ces mouvements, mais surtout une bonne compréhension de leurs origines et de la manière dont ils influencent l’idéologie des populations. Pour les besoins de cet article, chaque vague sera résumée en terme de circonstances, objectifs et résultats.

La première vague est apparue à la fin des années 1800, alors que les femmes étaient lassées de n'avoir aucun pouvoir économique, aucun droit à l'égard de la contraception et de l’avortement et aucun droit de propriété. Pour ces femmes, l’objectif principal était d’obtenir un certain pouvoir en politique afin de mettre en œuvre le changement et leurs idées. Dans un premier temps, la lutte visait à obtenir le droit de vote. Et même si de nombreux états n’ont pas été aussi prompts à s'y conformer, les femmes ont finalement eu gain de cause et acquis ce droit. Pour les annonceurs, ces nouvelles responsabilités offertes aux femmes ont changé leur façon de cibler leur clientèle. À cette époque, bien que la majorité des femmes dépendent financièrement de leur mari, elles commencent petit à petit à acquérir un certain pouvoir économique. Ce qui les positionne comme de nouvelles cibles potentielles pour les marques.

La deuxième vague est apparue, à l’initiative des baby-boomers, dans un climat post-deuxième guerre mondiale. Pour rappel, au cours de cette Seconde Guerre mondiale, les femmes ont remplacé les hommes partis au front dans les usines et ont prouvé qu'elles étaient tout aussi capables de gérer les entreprises. Après la guerre, elles ont été forcées de retourner chez elles pour laisser la place aux hommes revenant d'Europe et du Japon. À cette époque, les publicités illustrent de manière explicite le message véhiculé : les femmes doivent rester à la maison, donner naissance à des enfants, préparer le dîner et attendre que leur mari rentre du travail.

Lorsque les baby-boomers de l'après-guerre ont atteint leur majorité, ils ont prouvé qu'ils avaient des idéaux très différents et se sont révoltés contre bon nombre des valeurs de leurs parents. S’en sont suivi de nombreux événements sociaux dans les années soixante : mouvement des droits civiques, hippies, rockers, la liberté sexuelle et des progrès technologiques de taille (la conquête de l’espace). Les féministes de cette époque défendent la liberté des femmes au sens large, que ce soit en termes de physique, de prise de décisions et de comportement. Plus précisément, l'idée défendue par les “bra-burners” était la libération des femmes envers les règles sexuelles conservatrices auxquelles elles étaient soumises depuis des siècles. Cette « liberté physique » ne s'est pas arrêtée là puisqu’elle a inclus leur droit à l’avortement. Les contraceptifs ont alors vu le jour dans les années 60 et 70, permettant aux femmes de contrôler leur désir d’avoir ou non un enfant et à quel moment. La pilule incarnait la liberté des femmes prenant le contrôle de leur vie et de leur corps.

Rétrospectivement, certains anthropologues et écrivains féministes instruits considèrent cette vague comme désordonnée et maladroite. Bien que les enjeux étaient importants et les intentions légitimes, les actions menées n’ont pas donné une image favorable du mouvement. Après cette vague, le féminisme a contracté une connotation négative qui l’a rendu plus silencieux. Il était perçu comme un mouvement hystérique et anti-hommes, plutôt qu’un combat pour l'égalité. Cependant, certains des grands objectifs ont été atteints puisque les femmes ont finalement obtenu le droit à l’avortement.

Une fois encore, les annonceurs ont changé leur façon de penser et de représenter les femmes dans leurs publicités pendant cette période. Ils ont suivi le mouvement de «liberté physique» et l’ont interprété en représentant les femmes de manière plus sexuelle et plus enfantine.

La troisième vague s'est déroulée plus sereinement entre le milieu des années 1980 et le milieu des années 1990. Cette nouvelle lutte a été menée par la première génération de travailleuses, et visait l'égalité au travail et l'inclusion de la diversité. Les femmes de cette époque sont nées lors de la deuxième vague et se sont rendues compte que de nombreux combats devaient encore être menés d’un point de vue des inégalités. Elles avaient quelque chose à prouver : les femmes pouvaient faire le même travail et aussi bien que les hommes. Ces femmes représentent les premières mères de famille au travail qui ont été, majoritairement, critiquées de laisser leurs enfants à la maison et ont été rejetées en raison de leur sexe.

En outre, les féministes de la génération X ont également valorisé la diversité en termes d’ethnicité et de culture. Le concept général du féminisme a rallié à sa cause des sous-branches de différentes luttes notamment sur des questions d’appartenance ethnique et culturelle (par exemple, «le mystère des femmes arabes», «les Latinas sont sexy»).

Les résultats de cette vague ont été positifs, car les femmes ont pu mettre de l’avant et faire valoir leur capacités mentales et professionnelles, ce qui a élargi le mouvement féministe pour valoriser des luttes plus spécifiques. Les annonceurs ont de nouveau suivi le mouvement et ont mis en avant les femmes dans leurs environnements de travail.

La quatrième vague, également connue sous le nom de post-féminisme, a malheureusement été un pas en arrière pour le mouvement, comme son nom l’indique. Le début des années 2000 qualifiait le mouvement comme passé. La technologie a fait des progrès considérables au milieu des années 90, notamment avec Internet dont la puissance et les dommages causés ont été sous-estimés. Son essor n’a pas aidé et a accompagné la montée en puissance de la sexualisation et de l'objectivation sexuelle des femmes. Tendances mode, clip musicaux, films et émissions de télévision représentaient les femmes en tant qu'objets sexuels faibles et en détresse, passives, dépendantes des hommes et soumises. Le problème se trouvait dans l'outil de communication. En effet, Internet a permis une diffusion à l'échelle mondiale de cette idéologie et de ce contenu discréditant. Cette fausse représentation de la femme a minimisée les actions du mouvement et l’a desservi. Des logiciels comme Photoshop ont créé des attentes irréalistes concernant le corps des femmes, ce qui a provoqué un nombre plus élevé des troubles alimentaires, par exemple. La démocratisation de la pornographie, grâce à l'avènement d’internet, a aussi entraîné un nombre plus élevé d’agressions sexuelles.

Et maintenant ? Nous sommes au coeur de la cinquième vague, celle qui s’est construite autour des dommages causés au début des années 2000. Les acteurs principaux de ce mouvement sont les personnes qui ont le plus souffert de l'ère post-féministe : les Millennials. Ils ont grandi avec Internet, ont été surexposés aux différents médiums et sont considérés comme étant la génération la plus instruite à ce jour. Cette combinaison fait d’eux les acteurs les plus aptes à changer le paysage médiatique actuel. Ils sont conscients des enjeux, connaissent les médias, sont axés sur le contenu et sont conscients du pouvoir des médias sur la façon de penser et les idéologies des populations. Le climat actuel est axé sur la tolérance et grâce à Internet, l’auditoire a la possibilité de diffuser son opinion dans le monde entier, ce qui lui permet d’avoir une plus grande portée.

Cette cinquième vague sans nom s'attaque aussi à la question de l'âge. Elle concerne les deux sexes, mais le processus est plus complexe pour les femmes en raison de la représentation de la beauté souvent réservée aux femmes de 20 ans. Le public est tellement conditionné à regarder la beauté selon tels ou tels paramètres, que certains d’entre eux ont fini par entrer dans les moeurs et ont fait naître des complexes chez un bon nombre de femmes. Par exemple, certains médias ont réussi à faire naître, auprès des femmes, un sentiment de honte face à leur corps vieillissant. D’où la mise en vente d’innombrables produits de beauté destinés à se débarrasser des rides, ou de l’infinie gamme de régimes visant à «retrouver le ventre plat de sa jeunesse». Le prochain défi auquel les féministes s'attaquent est donc une représentation de la beauté non conforme et sans limite d'ethnie, de type de corps ou d'âge. Si les marques veulent anticiper cette progression, elles doivent commencer à réfléchir à leurs stratégies de communication et à une nouvelle représentation de la femme à travers les âges.

L’objectif de ce mouvement est de représenter avec précision la condition des femmes, en terme de comportements, d’ethnies, de diversité corporelle et d’âge. Cette vague a déjà éliminé avec succès la connotation négative autour du terme « féministe » grâce aux médias qui ont aidé à éduquer les masses.

De quelle manière les marques peuvent-elles garder le contrôle sur l’avenir de ces mouvements? Anticiper l’orientation des changements sociaux est délicat, car cela va évidemment de pair avec des événements qui ne sont pas toujours prévisibles. Mais bien que les objectifs à court terme évoluent, l'objectif à long terme reste le même. Les spécialistes du marketing de contenu doivent être en partie des anthropologues afin de créer du contenu percutant, pertinent et apprécié. Ils doivent prendre en compte les valeurs d'un mouvement sociologique spécifique sur le long terme et formuler un contenu basé sur celles-ci.

Les spécialistes du marketing doivent garder à l’esprit l’atmosphère de tolérance actuelle, mais tout en s’efforçant d’anticiper l’avenir de ces mouvements sociaux. Par conséquent, ils doivent agir non seulement comme des anthropologues, mais également comme des sociologues pour demeurer conscient des changements culturels, pour connaître l’origine d’une culture spécifique et prévoir son évolution, en l’associant à son environnement actuel. La collecte de ces données pertinentes et leur analyse, leur permettront, alors, de rester des leaders sur le marché.

Boomers, Ys et Zs, oh waouh!